Droits de l'Homme

Nord-Kivu : Le défenseur des droits humains Felly Bwende attaqué à Goma, un employé de maison tué

Un nouveau drame secoue la communauté des défenseurs des droits humains à l’Est de la République démocratique du Congo. Le militant Felly Malcomix Bwende, originaire du territoire de Masisi, a vu sa famille décimée après une attaque ciblée menée à son domicile du quartier Mugunga, dans les périphériques de la ville de Goma, alors qu’il se trouvait en voyage aux Pays-Bas. Dans la nuit du 7 juillet 2023, des hommes armés vêtus de tenues militaires ont fait irruption dans sa maison. Identifiés par des témoins comme appartenant à l’armée régulière, ils ont terrorisé la famille, passé à tabac son épouse ainsi que l’employé de maison et saccagé le domicile.

Grièvement blessée à l’arme blanche, le jeune employé de ménage a été transporté d’urgence à l’hôpital, mais n’a pas survécu à ses blessures. Les agresseurs, croyant trouver M. Bwende chez lui, ignoraient qu’il était à l’étranger.

Ce qui devait être une attaque contre lui s’est transformé en tragédie familiale. « Cette attaque est intervenue après mes dénonciations répétées des violations graves des droits humains commises dans les zones sous contrôle du M23 et d’autres groupes armés », a confié M. Bwende depuis l’Europe, encore sous le choc.

Connu pour son engagement et son franc-parler, le militant avait récemment dénoncé à la radio les abus commis par certains services de sécurité à l’encontre des activistes, des opposants politiques et des militants du mouvement citoyen LUCHA, notamment lors de la marche pacifique de l’opposition du 20 mai 2023 à Kinshasa.

Quelques semaines avant son départ pour l’Europe, il avait déjà reçu des menaces directes et remarqué une présence inhabituelle autour de son domicile. Pour ses proches, il ne fait aucun doute que cette attaque était planifiée. « Ils sont venus pour lui faire taire. Ne le trouvant pas, ils se sont vengés sur sa famille », explique un membre de la société civile de Goma.

La nouvelle a provoqué une vive émotion dans les milieux associatifs et humanitaires. La Société civile Forces “Vives de la RDC”, par la voix de sa coordinatrice provinciale, Madame John Banyene Balingene, a lancé un SOS pour la sécurisation de l’activiste Felly Bwende. Dans un communiqué publié le 24 juillet 2023, cette structure a exhorté les services sécuritaires à « ne ménager aucun effort pour assurer la protection de M. Bwende et garantir sa sécurité physique ». De son côté, l’Inspecteur provincial de la Police nationale congolaise, basé à Goma, a assuré que des enquêtes seront diligentées pour identifier les auteurs de ces exactions.

Mais pour beaucoup d’observateurs, cette attaque illustre une fois de plus la vulnérabilité des défenseurs des droits humains dans une région minée par les conflits armés et l’impunité. Entre 2000 et 2023, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme a documenté plus de 20 000 violations graves dans l’Est du pays, dont environ 6 500 exécutions extrajudiciaires et 12 000 violences sexuelles liées au conflit.

Plus de 230 défenseurs et journalistes ont été tués, arrêtés ou menacés durant la dernière décennie, tandis que 5,7 millions de personnes demeurent déplacées à cause des violences.

Dans cette région, parler de droits humains relève souvent du courage ou de l’inconscience. « Ici, la vérité coûte la vie », murmure un militant de Bukavu. Et pour M. Bwende, aujourd’hui réfugié à l’étranger, la douleur reste immense : « Je n’étais pas là pour la protéger. Ce qu’ils voulaient me faire, ils l’ont fait à ma famille. Mais ma voix, je ne la ferai jamais taire », confie-t-il, la gorge serrée depuis l’Europe.

Son histoire incarne celle de nombreux Congolais pris dans l’engrenage d’une guerre sans fin, où dénoncer l’injustice devient un acte de résistance. À l’Est du pays, la vérité continue de se payer du prix du sang.

Redaction

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *